– Extrait n°6 L’étoile des sables 2 : L’amazone

Mixil accourut au balcon, juste au-dessus de l’esplanade du palais, pour mieux se rendre compte de la situation. Plus bas, Ajmad menait la garde mixte de la flèche au combat contre les assaillantes. Toute la cour était un véritable champ de bataille, Ajmad retenait les chasseresses à grand-peine. Il était arrivé trop tard pour ériger un mur de bouclier et de sarisses dans la rue montante et s’était retrouvé contraint à combattre sur la place. Il répugnait à s’enfermer derrière les portes. D’ailleurs, le palais n’avait pas été bâti comme une forteresse. Sauver cette place contraindrait les chasseresses à refluer beaucoup plus en aval, cela pouvait le mener à contrôler tout le haut quartier de Maridjiane, une situation bien plus enviable que de se retrouver assiégé. Mixil jaugeait clairement la précarité de sa situation. Raja et Zerpine tenaient à elles deux près de la moitié du palais. Elle ne savait pas si elles agissaient de concert mais n’avait aucun doute sur le fait qu’elles ne tarderaient pas à le faire pour se débarrasser d’elle. Elle avait dû envoyer beaucoup de ses propres femmes bloquer la sortie que Raja avait tentée. Il fallait empêcher, à tout prix, que les forces de Raja et celles des chasseresses ne se rejoignent, sans quoi la partie était perdue…

Au milieu de la mêlée, Ajmad se démenait comme un lion, à lui seul il avait abattu six ennemies. Mais il n’obtiendrait pas la victoire sans aide. Il hurla quelques ordres tout en ferraillant avec deux chasseresses. Il ne fallait pas qu’il se laisse déborder par la droite. Des guerrières numiziennes y faisaient un massacre. Il n’avait personne pour l’en débarrasser ! De plus les chasseresses commençaient à prendre position sur les toits alentours et décochaient des flèches. Mixil banda son arc et lâcha une série de traits, abattant une à une quatre archères ennemies. Elle savait mieux que quiconque le danger qu’elles représentaient. Elle se coucha précipitamment  derrière la rambarde de marbre blanc lorsqu’une flèche cingla dans sa direction. D’autres suivirent. Elle abandonna ce poste pour descendre au corps à corps. Le cimeterre d’Ishtar donnerait du baume au cœur à ses troupes…

Hélia avait guidé sa garde à travers toute la cité. Dès que la situation avait tourné à son avantage sur la place du soleil, les chasseresses n’avaient pas insisté. Il était clair que leur objectif était ailleurs. Par des voies détournées la jeune prêtresse s’était faufilée dans les ruelles du haut quartier jusqu’à parvenir aux abords du palais. Kurst et Rodar en tête, ils étaient tous embusqués dans une étroite ruelle. Un peu plus loin, l’esplanade d’entrée était le théâtre d’une bataille rangée. Le visage couvert de peintures de guerres d’une chasseresse dépassa soudain d’un toit. Le poignard de Rodar se ficha aussitôt dans sa gorge, étranglant son cri.

– Merdaille, Hélia ! Faut prendre une décision ! Elles sont sur les toits ! Elles vont vite nous découvrir ! Si on reste là, on va s’faire larder de flèches !

La jeune prêtresse était livide. Elle souffla un long soupir.

– On y va ! bafouilla-t-elle d’une voix éteinte.

– C’est ce qu’il faut faire, la rassura Kurst. Restez bien au milieu de vos filles et courez dans le palais dès que ce sera possible.

Hélia hocha la tête sans conviction.

– Chargez ! hurla Kurst

Toute l’escouade déboula sur la place au pas de course prenant à revers les chasseresses. Ils en abattirent bon nombre avant qu’elles ne réagissent. Kurst et Rodar foncèrent directement au contact des guerrières numiziennes les contraignant à combattre avec des adversaires de dos. Ils en tuèrent ou blessèrent quatre, les repoussant de cette aile, avant de faire la jonction avec les soldats de la flèche. Se croyant encerclée, la cheffe des chasseresses les rappela. De surcroît, elle venait de voir le cimeterre d’or. C’était un mauvais présage de l’avoir contre soi, surtout qu’elle savait pertinemment qui maniait cette arme. Impéria était sauvée, c’était l’essentiel. Il serait toujours temps de revenir plus tard avec plus de clans. Inutile de sacrifier ses filles maintenant. Les chasseresses refluèrent.

Mixil courut en hâte jusqu’à Hélia.

– Tout va bien, votre sagesse ?

– Passe-moi ce genre d’honneur, Mixil ! répondit la jeune prêtresse toujours aussi blanche. Oui, j’ai bien cru que je n’allais jamais m’en sortir. Sans eux, je crois que je ne serais pas ici, ajouta-t-elle en désignant Kurst et Rodar.

Mixil sourit aux deux hommes.

– Bravo, leur dit-elle simplement. Je vous dois une fière chandelle. Vous avez sauvé une prêtresse et vous nous avez tirées d’un très mauvais pas ! Hélia, il faut que je rencontre rapidement votre mère. Si je dois conserver le titre de générale, il faut que j’aie son approbation. Ensuite, il faudra négocier avec Impéria et les princesses héritières.

– Merdaille ! lui glissa Rodar. Un compliment de Mixil… Ça s’apprécie !

– Ni toi ni moi ne savons si nous serons vivants demain… Si tu ne sais pas quoi faire ce soir… tu sais où me trouver.