La princesse de pierre

Anciennement paru sous le titre “La princesse nue”, ce roman constitue le troisième tome des aventures de Laeta. Ce récit entièrement remis à neuf constitue la fin de la première trilogie, celle qui se déroule dans le nord des Royaumes de lune, principalement dans les environs de la cité d’Escargae .

Plus sûre d’elle, toujours aussi audacieuse et perspicace, Laeta n’en est qu’aux balbutiements de la grande quête qui l’attend : se découvrir elle-même.

Un cœur de pierre peut-il battre ?

Le coup était parfaitement préparé…

C’est le marchand le plus puissant d’Escargae, que Rodar et sa compagne, Sylria, ont décidé de plumer. Ils n’hésitent pas à lui céder Laeta pour une bouchée de pain.

Un repérage, puis un cambriolage ; les truands du quai des contrebandiers ne s’embarrassent jamais de plans compliqués.

Mais la réalité va vite rattraper la belle esclave. Laeta découvre une demeure étrange, aux domestiques terrorisés par les maîtres et aux statues effrayantes, dans laquelle les servantes disparaissent les unes après les autres.

Quel secret inavouable va-t-elle mettre à jour ?

Confrontée à bien plus fort qu’elle, elle devra déployer des trésors d’intelligence et de perspicacité pour relever le défi. Mais, lorsqu’elle soulèvera le voile de l’effrayante machination qui prend ses racines dans les origines de la cité, il sera trop tard.

À quel terrible sacrifice devra-t-elle se livrer ?

Le livre papier (broché) est à 20 euros et les versions numériques à 4,99 €.

Extrait

C’est alors qu’elle était en train de se hâter dans l’escalier qu’un nouveau coup sourd se fit entendre. La petite gargouille qui ornait le sommet de la porte menant à la salle à manger semblait fixer Laeta d’un œil goguenard. Elle ne s’attarda pas ici pour retourner auprès de ses maîtres. Mais à peine fut-elle arrivée que dame Xiara l’apostropha :

— Douceur, va nous chercher de cet excellent coteau du Glénorais que nous faisons venir à prix d’or à la cave !

— Bien, Maîtresse, répondit Laeta en quittant la pièce aussi vite qu’elle y était entrée.

Lorsqu’elle croisa Risia dans la cuisine, la jeune servante la questionna d’une voix qui trahissait son malaise :

— Ils t’ont envoyée remplir un cruchon de vin ?

— Oui, confirma Laeta pas du tout rassurée à l’idée de descendre à la cave. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Tu as entendu les bruits ?

Laeta hocha la tête.

— Ne me dis pas qu’il y a un fantôme, que la maison est hantée !

Laeta était maintenant tout à fait prête à le croire, mais Risia se contenta de se taire.

— Qu’est-ce qu’il y a ? insista Laeta.

— Rien…

— Viens avec moi, je ne veux pas y aller seule.

— Tu sais bien que je ne peux pas, répliqua Risia en haussant les épaules. On est toutes terrorisées à l’idée de descendre dans cette cave, la nuit. Ils le font exprès. Ce n’est pas pour rien qu’ils t’y envoient.

— Les bruits, c’est quoi ? Et la servante que je remplace, comment s’appelait-elle ? Qu’est-elle devenue ?

— Tu poses trop de questions, Laeta ! Les maîtres n’aiment pas ça du tout, et il y a des choses qu’il ne vaut mieux pas savoir ! Contente-toi de descendre et de remplir en vitesse la carafe. Le plus petit des tonneaux. Tu feras comme nous, tu seras morte de trouille, mais tu remonteras…

Laeta se munit d’une chandelle, prit son courage à deux mains et s’enfonça dans les ténèbres de l’escalier en colimaçon.

La cave était voûtée, assez profondément enfouie sous la maison. La flamme tremblotante de la bougie de Laeta éclairait à peine, sa lumière vacillante se perdait dans l’obscurité de la pièce, happée par les toiles d’araignées croulant sous la poussière. Dans cette atmosphère humide, saturée de l’odeur des moisissures qui dévoraient de vieilles étagères vermoulues, Laeta s’approcha des barriques allongées les unes à côté des autres. Il y en avait quatre, trois grosses et une petite. La belle esclave, qui n’était vraiment pas rassurée, s’accroupit devant la moins volumineuse pour remplir sa carafe. C’est à ce moment qu’elle remarqua une vieille porte de bois enfouie dans les ombres du fond de la cave. Alors qu’elle plissait les yeux pour mieux la distinguer, un puissant coup résonna autour d’elle. Un gong étouffé, un glas métallique aussi froid et mat que celui qui sonne au royaume des morts. Elle se figea sur place, comme paralysée, incapable d’identifier d’où provenait le bruit. Qu’est-ce qui frappait ainsi ? Elle avait l’impression que le monstre — car de quoi pouvait-il s’agir d’autre ? — qui en était à l’origine pouvait surgir à tout instant. Mais cela ne provenait pas de derrière la porte de bois. Elle resta pétrifiée pendant de longs instants dans un silence angoissant. L’absence de bruit soulignait sa solitude et la plongeait dans l’inquiétude. Elle ne rêvait que de s’enfuir, quitter cette cave sombre et humide… Pourtant, elle ne le faisait pas. Une idée suffisamment forte venait de germer dans son esprit : et si Cami était prisonnière quelque part, ici ? Et si l’or des maîtres, que Rodar cherchait tant, était caché derrière cette mystérieuse porte ? Se pouvait-il que les coups soient un appel à l’aide de son amie ? Frappait-elle en utilisant une pierre sur les barreaux de sa geôle ? Laeta en doutait. Mais de quoi pouvait-elle être sûre ? L’estomac complètement noué, elle transpirait en proie à l’indécision. Et puis elle osa. Elle osa ouvrir la porte.

Ce qu’elle révéla fut bien décevant : une vieille remise débordant de chaises cassées, de planches de bois mangées par les vers, de mobilier au rebut… et de quelques rats. Laeta referma le battant à moitié vermoulu, remplit la carafe et se saisit à nouveau de sa chandelle. Elle tressautait toujours, trop pour que ce fût normal. Un nouveau coup sourd ébranla toute la cave. Plus rude. Plus sauvage. Comme s’il venait des tréfonds de la roche sur laquelle était bâtie la maison aux gargouilles. Non ! Décidément, elle n’imaginait pas sa meilleure amie cogner un barreau avec une telle violence. Laeta réprima l’envie de s’enfuir immédiatement à toutes jambes, s’agrippa à ce qui lui restait de courage, et reposa la carafe. Bien que tremblant elle-même comme une feuille, elle put promener sa bougie le long des divers murs de la cave à la recherche d’un courant d’air. À l’endroit où elle remarqua que la flamme se couchait presque sur la mèche, elle observa attentivement la paroi pour finir par y déceler un encadrement de pierre, une porte secrète presque parfaitement dissimulée. Elle ne tarda pas à découvrir le discret loquet d’ouverture. Mais, alors qu’elle se posait la question de savoir s’il serait judicieux d’essayer d’emprunter ce passage, un raclement sourd la surprit, la chaîne que le fantôme tire derrière lui, les pas traînants de la créature hideuse qui vient se repaître, la grille qui s’ouvre pour vomir ses monstres…