Extrait n°2 (La princesse nue)

[…]Laeta était occupée à brosser le sol, en compagnie d’une autre servante, Sandis, une esclave également. Elles étaient toutes les deux à faire le carrelage du grand hall aux gargouilles. Elles brossaient, à quatre pattes, dalle après dalle. Toutes deux portaient l’uniforme des servantes de la maison, un pagne blanc à liserés noirs ainsi qu’un petit haut, aux mêmes couleurs, qui leur serrait la poitrine. Les deux vêtements étaient marqués d’une armoirie noire: un serpent qui se mord la queue. Le collier de métal qu’elles portaient toutes les deux avait également cette forme. La tâche était fastidieuse, le hall d’entrée de la maison était grand. Des sièges de pierre étaient façonnés dans un de ses murs, et de nombreuses chaises de bois capitonnées, toutes rangées dans le fond de la pièce, pouvaient y être déployées, ainsi que quantité d’autre petit mobilier. C’était une salle de réception, une salle où Maître Jalbert Gralard, pouvait recevoir ses clients afin de négocier à l’aise. Quatre grandes gargouilles, juchées sur leurs promontoires et soutenant les deux grandes poutres de la pièce ne quittaient pas les deux filles de leur regard de pierre. Elles étaient impressionnantes et c’était probablement là leur rôle, impressionner les clients, souligner la puissance du maître. On trouvait des décorations de pierre un peu partout dans toute la maison, et d’abord sur sa façade, dont la célébrité débordait du quartier de l’Escargot. Ses gargouilles avaient valu son nom au bâtiment : la maison aux gargouilles.

-Dépêche-toi, Laeta, on n’aura jamais terminé à temps, dit Sandis, le maître va nous punir.

Laeta regarda la fille aux cheveux châtains clairs un peu plus âgée qu’elle, plongea à nouveau sa brosse dans l’eau savonneuse et se remit à l’ouvrage.

-Je n’ai pas l’habitude…

-Il faudra que tu apprennes vite, Laeta. Notre maître est juste, mais ses châtiments sont cruels.

Sandis dévoila à Laeta quelques cicatrices qu’elle portait sur le corps.

-Il exige la perfection. Pour avoir trop salé la soupe, j’ai dû faire la statue une journée entière. Tu ne peux pas savoir ce que c’est. Et Risia a dû me surveiller tout ce temps, c’est elle qui me fouettait chaque fois que je bougeais.

-Et elle le faisait ?

-Elle n’avait pas le choix, nous devons obéir au maître et à la maîtresse.

-J’avais un maître avant…

-Tu peux l’oublier, il t’a vendue.

Laeta s’arrêta un instant.

-Peut-être… Ce n’est pas par crainte que je le servais…

-Tu feras comme nous Laeta, tu craindras notre maître et notre maîtresse et tu les serviras. Si tu fais de ton mieux, si tu apprends vite, ils ne te traiteront pas mal, enfin pas trop. Tu verras, tu leur cèderas tout ce qu’ils veulent, et plus encore. Tous leurs caprices.

Laeta frémit.

-Et quel genre de caprices ?

-Les pires, et jouir de nos charmes n’est pour eux qu’un détail, une mise en bouche, leurs plaisirs sont bien plus pervers.

-Ce sont des fous ?

-Chut ! Parle plus bas ! Le maître est un sorcier et la maîtresse est pire encore. On dit que les gargouilles écoutent tout ce qui se dit dans la maison et viennent le leur rapporter la nuit.

-Et ? Tu crois à ça ?

Sandis hocha la tête, elle avait l’air effrayée.

-Ils ont des pouvoirs surnaturels, la maîtresse lit dans nos pensées. Même nos colliers sont ensorcelés. On ne peut pas échapper à leur pouvoir. Soumets-toi, il n’y a pas d’autre issue, tu leur appartiens à vie.

-Personne ne s’est jamais échappé ?

-N’y songe pas, Laeta. Même ses gardes ne font pas les malins. Et la punition qu’ils réservent à ceux qui les trahissent est terrible. C’est ce qui est arrivé à celle que tu remplaces. […]

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